Lettre ouverte à Mr Alexis Tsipras

 

Monsieur le Premier Ministre,

Dans leur ensemble les économistes s’accordent à dire que les derniers accords passés par votre gouvernement avec vos créanciers ne peuvent qu’accélérer la ruine de votre pays sans lui donner les moyens de les rembourser, ni à moyen, ni à long terme. Ceux-ci cherchent surtout à mettre la main sur vos biens les plus précieux en vous sommant de les privatiser. Si mes sources sont fiables, c’est ce que vous pensez vous-même.

Si l’on pousse le raisonnement jusqu’au bout, la Grèce devrait sortir de la zone euro pour se libérer des contraintes et de la tutelle qui lui sont imposées par la Troïka et sauver son pays en recouvrant sa liberté et sa souveraineté.

Si le ministre allemand des finances s’oppose à de nouveaux plans d’aide à votre pays, c’est que connaissant aujourd’hui le montant de l’addition pour son pays il se refuse à la voir augmenter. Il est donc un farouche partisan du Grexit, ce qu’à brève échéance vous ne pourrez plus éviter.

Nos médias unanimes  présentent la sortie de l’euro comme un saut dans l’inconnu. Ils n’ont pas tort, car personne ne semble capable d’en définir les contours techniques.

Je ne connais rien à la politique, sinon ce que l’expérience m’en a appris : la politique ne vit que du désordre qu’elle a plus ou moins organisé.

L’objet de cette lettre est de vous proposer des conditions de technique macroéconomique qui pourraient vous aider à sortir de l’euro sans le quitter totalement. Elles figurent en annexe à la présente.

Vous avez donné un immense espoir à des millions d’européens, de quelque bord politique qu’ils soient, qui pensent comme vous qu’il faut échapper aux oukases de la finance, menée par la Troïka. Ne les décevez pas, il en est encore temps.

Mon vœu le plus cher serait d’apporter ma modeste contribution à un élan populaire qu’il sera difficile de stopper : se libérer du carcan monétaire.

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, à l’expression de mes respectueux sentiments.
 

 

NOTE ANNEXE

 
A - Préambule

L’Europe a été construite en donnant une place prépondérante à la monnaie unique, supposant dans l’esprit de ses auteurs que la force de l’union monétaire entraînerait avec elle celle de la politique économique, sociale et fiscale dans un monde meilleur pour tous à l’abri des guerres entre les nations qui la composent.

En voulant aller trop vite et en faisant entrer dans la zone des pays qui ne remplissaient pas les conditions élémentaires de structures économiques comparables et compatibles (pas celles du traité qui n’ont aucune base scientifique), l’union monétaire a été complètement ratée. En échouant, elle a rendu impraticable l’union économique, sociale et fiscale tant attendue.

Vingt-trois ans après la signature du traité de Maastricht, force est d’admettre que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances et de constater qu’ils sont même plutôt désastreux.

Le chômage ne cesse de croître, les délocalisations, la pauvreté et l’endettement ont pris des proportions hallucinantes, le pouvoir d’achat est en berne, les transferts de richesse ne sont plus maitrisés et les inégalités sociales sont de plus en plus marquées, enfin l’insécurité prend d’inquiétantes dimensions dans les cités, les transports en commun, les lieux de rassemblement et la rue.

En outre, si les risques de guerre entre nations ont quasiment disparu, de nouveaux risques de guerre civile sont apparus en raison d’une immigration de masse incontrôlée (islamisation rampante de la société : on apprenait récemment (Sunday Mirror) qu’un centre d’entraînement de djihadistes aurait été ouvert en Europe).

La monnaie unique est donc un fiasco retentissant. Sa remise en question prend de plus en plus de place dans les débats nationaux et internationaux. Personne ne veut plus de cette Europe qui fait la part trop belle aux plus fortunés, ceux qui ont le pouvoir de la conserver en l’état puisqu’elle sert leurs intérêts.

Il existe pourtant des solutions techniques, telles celles que nous proposons ici pour la Grèce à condition que leurs dirigeants aient le courage de les imposer.

Avec pour préalable que :

Les traités de libre-échange, les traités de Maastricht/Lisbonne et la convention de Schengen soient suspendus (avant d’être révisés) afin que le pays retrouve sa souveraineté pleine et entière jusqu’à ce que ses structures économiques et le pouvoir d’achat de sa population soient proches des autres pays de la zone engagés dans la même voie.

C’est le prix de la sortie provisoire de l’Euro.

Depuis le 1er décembre 2009, date de l’entrée en vigueur officielle du traité de Lisbonne, un Etat membre se voit reconnaître officiellement le droit de quitter l’Union européenne, en vertu de l’article 49-A de ce traité ainsi rédigé :

Article 49 A

1. Tout Etat membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.

2. L’Etat membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. A la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet Etat un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 188 N, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.

3. Les traités cessent d’être applicables à l’Etat concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’Etat membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai. 

4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’Etat membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent.
La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 205, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

5. Si l’Etat qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49.

Les conditions de sortie de l’UE ne sont pas explicitement définies, ce qui peut laisser supposer que l’instauration provisoire d’une double monnaie – comme proposée ci-après – est négociable pour une période de 2 ans ou plus (49A3).

Après en être sortie, l’objectif est de faire entrer pour une seconde et dernière fois une Grèce rénovée dans une Europe forte en Etats fédérés - compatibles entre eux - pour le bien-être de ses populations. Une Grèce assez fortunée pour s’engager au remboursement de ses dettes, celles-ci étant bloquées sans intérêt pendant toute la durée de la période négociée.

ooOoo

B - Mesures techniques pour que la Grèce se libère de l’emprise du pouvoir monétaire et redynamise son économie

1 - L’Etat doit reprendre d’urgence le contrôle de sa Banque centrale nationale 
Les autorités monétaires nous mentent effrontément pour dissimuler leur incompétence et ne remplissent pas le rôle qui leur a été assigné : la maîtrise de l’inflation [1].

Les banques centrales ayant abandonné aux banques toute liberté d’émettre la monnaie scripturale, elles n’ont aucun pouvoir sur l’émission de monnaie secondaire et par voie de conséquence aucun pouvoir sur la stabilité des prix dont elles se sont elles-mêmes investi de la responsabilité suprême [2].

Elles abusent de l’indépendance qui leur a été accordée pour se consacrer exclusivement à la protection des intérêts de la profession bancaire au détriment de ceux de la société civile, ainsi que l’a montré la crise des « subprimes » [3].

Dans une société qui se nourrit exclusivement du crédit, l’endettement est une nécessité économique absolue et son émission doit être strictement contrôlée et adaptée à l’évolution de l’économie du pays (voir le point 3 ci-après).

2 – La remise en circulation (provisoire) de la drachme tout en conservant l’euro

L’idée de base est celle d’un modèle économique provisoire à double monnaie :

• l’euro exclusivement réservé aux transactions avec l’étranger,

L’euro reste la monnaie commune pour toutes les transactions avec l’étranger, y compris la zone euro ; la BCN grecque poursuit sa politique monétaire en ce qui concerne l’euro.

• la drachme est remise en circulation pour ses échanges à l’intérieur du pays.

L’émission et la gestion de la drachme relève de la BCN grecque sous le contrôle de l’Etat (voir 3 ci-après).

Les marchés monétaires domestiques sont strictement réservés aux nationaux.

• le cours de change entre les deux monnaies : euro/drachme, pourrait être fixé sur la base des parités de pouvoir d’achat (PPA) : Allemagne/Grèce, par exemple (0,786969/0,626191=1,256 - Source OCDE pour 2014).

Dans ces conditions, les importateurs grecs devraient se procurer les euros au cours de 125 drachmes pour 100 euros et inversement les exportateurs percevraient 125 drachmes pour 100 euros. On obtiendrait ainsi de facto une dévaluation de la drachme, avec pour conséquence un rétablissement de sa balance commerciale : des importations plus coûteuses, donc réduites, et des exportations facilitées, donc plus fortes. Le tourisme s'en trouverait également dopé.

Ce cours serait fixé pour une durée minimum d’un an afin d’éviter toute spéculation.

• la nouvelle drachme pourrait être mise en vigueur au 1er janvier 2016, la date de l’arrêté des comptes annuels étant propice à son lancement.

A cette date, les comptes domestiques (créances et dettes) pourraient être convertis dans la nouvelle monnaie au cours de 1,25, selon l’hypothèse de cours retenue ci-dessus. Les comptes en euros destinés au règlement des importations pourraient être conservés en attente du paiement.

Le rapatriement des euros, appartenant à des résidents qui ont fui le pays en pleine crise pourraient faire l’objet de mesures spécifiques (imposition à 15%, par exemple). Rappelons à ce sujet qu’en vertu des traités sur la libre circulation des personnes et des capitaux, Bruxelles a interdit à Athènes de bloquer les fuites de capitaux augmentant par le fait même (Target2) le niveau de l’endettement des banques du pays.

Les banques seraient soumises à des règles appropriées à la situation économique axée sur le retour de la croissance (voir 3 ci-dessous). Dès que l’on veut entreprendre la réforme de leur profession, comme par exemple la séparation de leurs activités, leur farouche opposition devrait nous convaincre de sa nécessité.

3 - L’Etat doit reprendre d’urgence le contrôle de l’émission monétaire

Deux drachmes : centrale et secondaire, deux circuits indépendants l’un de l’autre, comme cela est le cas pour toutes les monnaies.

La Banque centrale grecque fournirait directement les besoins monétaires de l’Etat, par création de monnaie scripturale centrale. Il s’agit de monnaie permanente sans intérêt ni échéance de remboursement. Les marchés ne sont plus sollicités et il n’y a plus de dette publique en drachme.

C’est la mesure la plus difficile à faire adopter, car elle coupe les ailes du capitalisme monétaire avide de rendement (intérêts) et altère profondément sa toute-puissance. Il ne faut pas oublier que le traité de Maastricht, repris par celui de Lisbonne, impose le financement de l’Etat par les marchés et que les intérêts sont prélevés sur le (PIB) travail des masses laborieuses.

Elle aurait aussi pour conséquence de réduire fortement les produits de placement des compagnies d’assurances et autres fonds communs de placement, par la disparition des bons et obligations du Trésor. Ces établissements pourraient utilement orienter leurs disponibilités vers le financement des « start-up », PMI et PME. Il s’agirait alors de financer l’économie plutôt que la finance elle-même.

L’émission et le circuit de la monnaie fiduciaire resteraient sans changement.

Les banques de dépôt alimenteraient les besoins monétaires du secteur privé, par création de monnaie scripturale secondaire, comme actuellement, mais sous le contrôle étroit de la Banque centrale grecque.

Celle-ci – déjà équipée pour cela, puisque les comptes de tous les agents économiques sont inscrits chez elle – donnerait son autorisation à l’octroi des crédits par les banques et couvrirait les risques d’insolvabilité, contre rémunération naturellement.

Les activités bancaires de dépôt et d’investissement ou d’affaires seraient séparées de la manière la plus simple qu’il soit en procédant à la séparation des comptes de leur bilan, d’un côté les comptes de l’activité économique (concours aux agents non bancaires (ANB) et leurs dépôts), de l’autre les comptes de l’activité propre de la banque. C’est ce que propose la réforme du système monétaire [4]

La compensation et le règlement des positions interbancaires, suivraient deux filières distinctes : celle de l’activité économique et celle de l’activité propre des banques, issues de la séparation des activités bancaires par les comptes comme il est dit au paragraphe précédent.

L’application des dispositions suivantes relèvent de la technique bancaire, en principe bien connue des responsables de toute Banque centrale.

En ce qui concerne l’activité économique (opérations avec les ANB), l'Institut d'émission porterait les positions des banques à un compte spécifique indisponible ouvert au nom de chacune d'elles, et fixerait un taux d'intérêt au jour le jour. Les soldes interbancaires ne feraient pas l’objet de règlements entre banque comme c’est le cas aujourd’hui.

De plus, la Banque centrale jouerait le rôle qu’elle est supposée remplir, celui de constater effectivement dans ses livres les dettes et créances des banques, vis-à-vis d’elle, au lieu de le faire croire actuellement pour la forme.

L’avantage nous parait considérable puisque ces dispositions :

• s’opèreraient sans garantie, c’est-à-dire sans collatéral, puisque la banque centrale couvrirait les risques d’insolvabilité des ANB (filiales des banques y compris) comme il est dit au-dessus,

• entraîneraient la disparition de la trappe à liquidités qui est abondamment alimentée par les soldes des positions interbancaires, depuis que le marché interbancaire ne fonctionne plus ou très mal ; en effet, les banques ne se consentent plus entre elles des prêts/emprunts sur le marché interbancaire depuis que les collatéraux (subprimes et titres de dette souveraine, principalement) sont exposés à des risques de défaut.

En ce qui concerne l’activité propre des banques, leurs positions seraient portées à leur compte à la Banque centrale et soumises à des autorisations de découvert, préalablement accordées par cette dernière. Les banques seraient donc soumises à des obligations réglementaires vis-à-vis de la banque centrale comme le sont les ANB envers elles.

4 - L’Etat doit diriger l’économie du pays

L’économie d’un pays ne peut pas être abandonnée à la loi des marchés qui n’ont d’autre intérêt à défendre que le leur.

C’est bien cette loi étendue à la mondialisation des échanges qui est à l’origine de la plupart de nos misères : les délocalisations, le chômage et la pauvreté qui en résulte, sans parler des effets de la concurrence savamment faussée.

La gouvernance d’un pays est avant tout affaire de régulation : de la monnaie en priorité, de l’activité économique (PIB) ensuite.

On commence à comprendre, semble-t-il, que vouloir régler par la fiscalité la répartition de la richesse nationale relève de l’absurde : les riches n’ont jamais été aussi riches et les pauvres aussi pauvres !

4.1 - par la régulation monétaire

a) Il faut tout d’abord savoir que le budget de l'Etat est un budget de trésorerie qui se veut équilibré ; il ne distingue pas les dépenses de fonctionnement des dépenses d’investissement, ce qui a comme première et absurde conséquence d'obliger l'Etat à emprunter pour accroître son patrimoine et à le revendre pour rembourser ! Sans parler des intérêts qu'il doit mettre à la charge de la population active en Europe pour que ses comptes soient équilibrés, puisque le traité de Maastricht en a décidé ainsi ! La deuxième conséquence tout aussi absurde qu'implacable est la cavalerie - ou roulement, terme plus lénifiant - des emprunts d'Etats.

b) Il faut savoir ensuite que l’activité de production est soumise à l’influence de deux facteurs de sens opposés : l’épargne qui joue le rôle du frein, tandis que le crédit (endettement) joue celui de l’accélérateur. Voir notre exposé sur la macroéconomie [5]. Comme nous sommes dans une société d’endettement (public et privé) et qu’il n’y a pas d’échanges sans monnaie, il faut toujours plus de dettes pour couvrir les remboursements d’emprunt et leurs intérêts, d’une part, et pour produire (PIB) plus, d’autre part [6].

c) Contrairement à des idées solidement ancrées dans l’opinion y compris chez les professionnels l’épargne des agents non bancaires en banque ne circule pas. Voir notre exposé sur la macroéconomie de l’épargne [7]. Il aura fallu que la Banque d’Angleterre nous le confirme dans son bulletin du 1er trimestre 2014, dont voici un extrait :

The vast majority of money held by the public takes the form of bank deposits. But where the stock of bank deposits comes from is often misunderstood. One common misconception is that banks act simply as intermediaries, lending out the deposits that savers place with them. In this view deposits are typically ‘created’ by the saving decisions of households, and banks then ‘lend out’ those existing deposits to borrowers, for example to companies looking to finance investment or individuals wanting to purchase houses.

In fact, when households choose to save more money in bank accounts, those deposits come simply at the expense of deposits that would have otherwise gone to companies in payment for goods and services. Saving does not by itself increase the deposits or ‘funds available’ for banks to lend.

Indeed, viewing banks simply as intermediaries ignores the fact that, in reality in the modern economy, commercial banks are the creators of deposit money. This article explains how, rather than banks lending out deposits that are placed with them, the act of lending creates deposits — the reverse of the sequence typically described in textbooks.

d) En l’absence de régulation monétaire l’activité économique est soumise aux aléas de la conjoncture, ce qui nous amène à proposer que :

Les besoins financiers d'un pays soient divisés grosso modo en 3 groupes :

- les dépenses publiques de fonctionnement,

- les dépenses d'investissement,

- les besoins monétaire de la régulation économique nationale.

Les premiers devraient être couverts par les impôts et taxes ; quant aux deux autres, ils devraient être couverts par de la monnaie dite permanente [6], c'est-à-dire par de la monnaie émise par la Banque centrale et mise à la disposition du gouvernement sans intérêt ni échéance de remboursement sur décision du Parlement.

Ainsi, la création de monnaie permanente à destination exclusive de l'Etat, rendue possible en Europe par la dénonciation des accords de Maastricht/Lisbonne, met fin à l'intervention des marchés financiers et des agences de notation sur une dette souveraine qui ne court plus aucun risque de défaut de paiement. Et pour cause, il n'y a plus de dette souveraine sur les marchés !

Enfin, il nous semble que seul l’Etat est apte à faire la régulation monétaire de l’activité de production dans l’intérêt national. C’est la raison essentielle pour laquelle la Banque centrale - qui ne défend que les intérêts de la corporation bancaire - doit être replacée sous la dépendance de l’Etat.

4.2 - par la régulation économique

L’objectif primordial au redressement de l’économie du pays, est d’obtenir le plus tôt possible l’équilibre de la balance commerciale (export = import), afin de réduire la dépendance du pays envers l’extérieur, source méconnue des difficultés actuelles de la Grèce.

Quand on importe plus que l’on n’exporte, il faut nécessairement emprunter.

Il faut savoir que de 1994 à 2013 - en 20 ans – la Grèce a accumulé un déficit de ses échanges extérieurs  de 349,1 mds€ (en monnaie courante) pour un PIB cumulé sur la même période de 3.301,1 mds€, en monnaie courante également (source OCDE, Comptes Nationaux - Edition 2014), soit 10,6%, ce qui est considérable et explique l’ampleur de la dette souveraine – détenue en grande partie par ses créanciers étrangers - de 319,1 mds au 31/12/2013 (source Eurostat).

L’Etat doit s’employer à réduire ses importations et développer ses exportations. Les dispositions relatives à la mise en service de la drachme – comme indiqué plus haut – devraient y aider. Mais, cela ne suffira sans doute pas, aussi faudrait-t-il employer des mesures spécifiques pour y parvenir, en agissant sur les importations : en passant, par exemple, des accords avec les fournisseurs de matériels lourds ou semi lourds pour que les opérations de montage et finition soient réalisées sur le territoire national.

En cas d’insuffisance, il faudra choisir les biens et services qui devraient être soumis à des quotas pour protéger la production intérieure, à moins que le(s) pays exportateur(s) accepte(nt) de réduire leur(s) excédent(s) par des importations plus fortes.

C’est le prix à payer pour le redressement économique du pays.

La course aux exportations est une course aux chimères, accélérée par la mondialisation des échanges. En matière d'échanges internationaux, il existe une règle fondamentale que les initiés ne peuvent ignorer, mais dont ils ne veulent pas tirer les conséquences.

Quand il y a un exportateur dans un pays, il y a un importateur dans un autre pays, et comme la valeur de l'échange est la même pour les deux parties, on peut avancer qu'à l'échelle de la planète, les exportations sont égales par définition aux importations, ce qui veut dire en clair que l’exportation des uns ne peut pas se réaliser sans l’importation des autres.

Autrement dit, les bénéfices des uns se font sur le dos (pertes) des autres.

De la règle exposée ci-dessus, découle une autre égalité, c'est que :

A la somme des balances bénéficiaires d'un ensemble de pays correspond par symétrie la somme des balances déficitaires de l'ensemble des autres pays. Comme chacun de ces derniers s'efforce naturellement de réduire l'endettement généré par le déséquilibre de ses échanges extérieurs, créant ainsi une situation conflictuelle, on comprend pourquoi les soldes des balances commerciales restent voisins de zéro.

Le cas des Etats-Unis paraît bien être l'exception qui confirme cette règle ; ce pays qui commerce exclusivement dans sa propre monnaie paie ses importations en dollars, émis pour autant que nécessaire évitant ainsi d’emprunter.

L’Etat doit parer aux déséquilibres de l’activité économique.

Tout d’abord, il faut essayer de comprendre pourquoi les diktats de la Troïka étouffent l’économie de la Grèce comme celle d’autres pays par le passé et à l’avenir.

En gros, l’économie réelle fonctionne grâce aux échanges que pratiquent entre eux les producteurs (entreprises) et les consommateurs (ménages). Les premiers produisent en payant les seconds et ceux-ci consomment en payant les premiers avec les revenus qu’ils ont en tirés. L’Etat est assimilé à un producteur puisqu’il emploie du personnel - qui devient consommateur - et qu’il fait payer ses services à un prix imposé.

L’activité de production fonctionne donc principalement grâce au pouvoir d’achat que les ménages tirent de leur travail chez les producteurs (entreprises).

On en tire la conclusion que toute perte de pouvoir d’achat de la population la plus pauvre, donc la plus nombreuse, pèse fortement sur l’activité économique du pays.

C’est pourquoi la politique de la Troïka est condamnable.

Les échanges avec l’extérieur n’ont aucun effet sur l’activité de production s’ils sont équilibrés en monnaie courante (Export = Import), d’où l’importance de son équilibre comme déjà signalé plus haut.

Mais, on sait que les consommateurs ou ménages épargnent une part des revenus qu’ils perçoivent des producteurs ou entreprises. En première hypothèse donc, si les consommateurs ne reversent pas aux entreprises la quantité de monnaie qu’ils en ont tirée, la machine à produire doit ralentir.

On sait aussi que les entreprises empruntent pour investir. La quantité de monnaie correspondante aura pour effet d’atténuer ou de dépasser la quantité de monnaie que les consommateurs auront épargnée sur leurs revenus. Les entreprises (hors l’Etat, évidemment) n’investissent que si les perspectives de ventes sont bonnes. Ainsi, les investissements de l’Etat font office de régulateur.

Il existe une loi macroéconomique qui commande l'allure de marche de toute activité nationale, donc la croissance. Elle démontre que la sphère de l'activité de production connaît l'expansion ou la récession selon qu'elle est alimentée plus ou moins en monnaie. L’activité nationale fonctionne à peu près comme le moteur d'un engin mécanique. Elle tourne plus ou moins vite selon qu'elle est alimentée plus ou moins en carburant, c'est-à-dire en monnaie [8].

Ceci est naturellement très schématique. Le système est beaucoup plus complexe, mais ceci en est la colonne vertébrale.

Tous les facteurs analysés ci-dessus (épargne et endettement) étant mesurables, l’Etat peut et doit exercer la régulation monétaire de l’économie, à la condition bien sûr qu’il ait repris le contrôle de sa Banque centrale. Il devra veiller à ce que l’endettement net soit en tendance supérieur à l’épargne nette.

5 – Les conclusions que l’on peut tirer 

La Grèce devrait profiter du trouble qu’elle a créée dans le monde, tant chez les banquiers centraux, chez les dirigeants, les économistes et autres spécialistes que dans l’opinion publique, pour forcer sa sortie provisoire de la zone euro en s’appuyant sur les dispositions de l’article 49A du traité de Lisbonne et en négocier les modalités.

La mise en service de la drachme pour les opérations internes, tout en conservant l’euro pour les opérations avec l’extérieur, devrait favoriser le retour de la croissance que les oukases de la Troïka ont sévèrement endommagée. Une période de 3 à 5 ans devrait suffire pour retrouver une activité dopée par une dévaluation de la drachme de 25% et pourquoi pas obtenir les moyens de rembourser la dette, à la condition bien sûr d’en neutraliser les effets - roulement de la dette sans intérêts - pendant toute la durée de la période négociée. Des excédents commerciaux devraient y aider.

Enfin, il faut rendre le pouvoir d’achat à ceux (les plus défavorisés, évidemment) qui en ont été privés, illégitimement par des décisions arbitraires et antiéconomiques. Il faut même aller plus loin, en accordant des aides aux plus démunis (chômeurs, par exemple) égales au minimum vital en attendant que le coup de fouet donné à l’activité de production leur offre un emploi.

Les dispositions proposées ci-dessus devraient constituer l’axe de la réforme, étant bien entendu que les événements peuvent en modifier le parcours. La réussite possible pourrait servir d’exemple pour d’autres pays contraints au même régime « troïkastre » et connaissant les mêmes difficultés.

Le gouvernement devra surmonter la ferme opposition des autorités monétaires qui vont y voir une perte de leur influence, mais c’est bien là que se trouve le nœud gordien à trancher pour se libérer du joug monétaire. Ce pas franchi il faudra ensuite qu’il impose la régulation monétaire et économique, si nécessaire au redressement du pays.

Le peuple sera avec lui, pour que renaisse de ses cendres la Grèce sinistrée.

 

Jean Bayard
le 16 août 2015

 

[1] La théorie monétariste de l'inflation 
[2] Le pouvoir de la Banque centrale sur l’émission monétaire
[3] La crise des « subprimes »
[4] Réforme du système monétaire
[5] Exposé sur la macroéconomie
[6] La monnaie d'endettement, l'épargne et la croissance
[7] Macroéconomie de l'épargne
[8] Loi macroéconomique

 

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