Crise systémique : le système bancaire est passé hors contrôle

 

Des signes de plus en plus clairs montrent le désarroi - avant qu'il ne dégénère en panique - des banquiers centraux devant une situation monétaire et accessoirement économique, de plus en plus catastrophique, qui leur échappe. Eux qui prétendent avoir la responsabilité suprême du système !

Malgré leur politique de création massive de monnaie centrale, la Fed et la Banque du Japon ne parviennent pas à endiguer la crise du système bancaire et à engager l'économie vers la croissance. Quant à la BCE, coincée par les traités de Maastricht/Lisbonne, il lui est impossible d'émettre de la monnaie en faveur des Etats de la zone comme ses deux consœurs. Alors, elle fait semblant (voir mon récent article "Mario Draghi et le Quantitative easing à l'européenne").

Contrairement aux théories à la mode, l'émission excessive de monnaie (ici, centrale) n'a pas d'effet sur les prix.

La preuve est apportée par la crainte actuelle de la déflation. On en est arrivés à prier pour que l'inflation reparte !

Comme à l'accoutumée, on baigne dans une confusion savamment entretenue par le pouvoir monétaire. Grâce au matraquage politico-médiatique, l'inflation ne peut s'appliquer qu'à l'activité de production, ce qui permet de passer sous silence celle - bien réelle - qui affecte les valeurs mobilières et immobilières.

Les banques disposent de centaines de milliards qu'elles ont obtenus par la cession ou la mise en pension de titres souverains dont elles se sont défaussé sur leur Banque centrale pour échapper à leur dépréciation. Ces centaines de milliards, qui alimentent ou peuvent alimenter leurs activités spéculatives, nourrissent allégrement les bulles qui ne peuvent finir que par éclater ; c'est le propre des bulles !

 

A - Analyse de la situation

Comment en sommes-nous arrivés là ? Ce ne sont pas les autorités monétaires qui vous le diront, car la réponse n'est pas à leur avantage.

Voyons d'abord ce que nous disent les milieux bien informés :

a) les marchés interbancaires ne fonctionnent pas ou très mal,

b) on recherche désespérément des collatéraux,

Les collatéraux sont des titres remis en garantie par l'emprunteur au prêteur. Généralement, il s'agit de titres dits "éligibles" à la Banque centrale qui bénéficient des meilleurs notes des agences de notation. Ils doivent servir de garantie à 100%, aussi n'est-il pas question de se refiler des titres toxiques (subprimes) ou des titres souverains entachés du risque de défaut.

Voyons à présent ce que l'on ne nous dit pas, étant précisé que a) et b) sont très liés.

Tout d'abord, il faut savoir que tous les jours les banques remettent à la compensation des millions d'instruments de paiement qu'émettent leurs clients, c'est-à-dire nous (chèques, cartes bancaires, virements, prélèvements, etc..).

Avec la compensation, on entre dans le système et celui-ci ne peut pas fonctionner sans elle.

A la sortie de la compensation, les banques connaissent leurs positions. L'une envers l'autre (compensation bilatérale) ou les unes vis-à-vis des autres (compensation multilatérale).

Il s'agit d'un système binaire puisque pour chaque transaction il y a toujours, quoi qu'il arrive, une banque face à une autre banque. Dans l'ensemble, les positions débitrices sont égales aux positions créditrices. Les banques débitrices doivent s'acquitter de leurs dettes envers les banques créditrices.

On entre à présent dans la seconde phase du système : le règlement des positions.

C'est le rôle du marché interbancaire.

Sur ce marché se dénouent les positions des banques. Celles qui sont en positions créditrices consentent des prêts à celles qui sont en positions débitrices. Il n'y a pas d'échange de monnaie, contrairement à ce qu'a toujours prétendu la Banque de France. Les banques passent entre elles des accords de prêts/emprunts avec en garantie ces fameux collatéraux.

Il faut également savoir que toutes les opérations de compensation (positions) et de règlements (accords de prêts/emprunts) sont inscrites obligatoirement aux comptes des banques à la Banque centrale. Obligation de pure forme et inutile, puisque ces opérations sont à somme nulle, la Banque centrale n'étant pas partie prenante.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes de la finance jusqu'à ce que survienne en 2007 la crise des subprimes, car ceux-ci servaient abondamment de collatéraux sur les marchés interbancaires, comme il en était et qu'il en est toujours des titres souverains aujourd'hui affectés des risques de dépréciation.

Les collatéraux n'offrant plus la garantie à 100% exigée, les banques prêteuses refusent de prêter à leurs consœurs emprunteuses. Il en résulte que le marché interbancaire ne fonctionne pas ou très mal.

On entre alors en pleine crise du système : le règlement des positions s'opère dorénavant en majeure partie à la Banque centrale.

Les banques en position débitrice en appellent à leur Banque centrale pour obtenir les fonds nécessaires afin de remplir leurs obligations envers les banques en position créditrice.

C'est ici qu'apparait la plus grande arnaque monétaire de notre histoire contemporaine.

Les Banques centrales acceptent dorénavant les titres toxiques ou souverains en voie de dépréciation que les banques refusent entre elles. On comprend pourquoi !

C'est un transfert massif de pertes des banques à destination de leur Banque centrale.

Ainsi, la Fed - en état de quasi-faillite - s'est mise sous la protection du Trésor US le 6 janvier 2011 (source : MoneyWeek). Prêteur en dernier ressort, elle a cédé la place à l'Etat payeur en dernier ressort !

Les titres qui précédemment s'échangeaient sans monnaie sur le marché interbancaire, s'échangent à présent contre monnaie centrale à la Banque centrale.

Les comptes des banques à la Banque centrale qui s'annulaient auparavant (opérations à somme nulle), font apparaitre les fonds que reçoivent désormais les banques créditrices, alimentant ainsi la trappe à liquidités puisque cette monnaie (centrale) n'a cours qu'entre les banques et le Trésor. Voir à ce sujet "Le phénomène de la trappe à liquidités".

Dans la zone euro, en raison des contraintes imposées par Maastricht, les Banques centrales nationales (BCN) ne peuvent pas acheter de la dette souveraine. Seuls les marchés sont autorisés à acheter ou souscrire, c'est-à-dire les banques, les fonds communs, les compagnies d'assurance, etc., précisément ceux-là même qui n'ont aucun intérêt à acheter des titres à haut risque de perte ! Sauf à spéculer, ce qui se passe.

 

B - Solution préconisée, parmi tant d'autres

Il semble bien que les banquiers centraux et leurs équipes de techniciens connaissent très mal le système dont ils sont les responsables et que nous venons de passer en revue. Il est aussi fort probable qu'ils ne veulent pas de réforme effective. En témoignent les réunions stériles au plus haut niveau des instances internationales qui sont impuissants à se mettre d'accord sur les moyens de contrôler le système bancaire.

Il existe pourtant une solution simple mais non conventionnelle, pour reprendre un terme très à la mode au sein de nos institutions monétaires.

Cette solution peut se résumer comme suit :

1 - Les marchés interbancaires sont supprimés pour les opérations nationales. Rien de changé pour l'international et pour Target2 entre les pays de la zone euro.

2 - Les banques ne règlent plus leurs positions les unes vis-à-vis des autres (comme avant la crise), mais vis-à-vis de l'autorité monétaire. L'Institut d'émission porte les positions des unes et des autres à un compte spécifique indisponible ouvert au nom de chacune d'elles.

3 - Les banques doivent avoir pour interdiction absolue de "faire passer" par la compensation leurs opérations pour propre compte. Les banques ne doivent plus tirer sur elles-mêmes, mais utiliser leur compte de dépôt à vue courant ouvert à la Banque centrale pour encaisser ou payer, soumis aux mêmes règles que tout un chacun, c'est-à-dire approvisionné ou sur la base de lignes de crédit dûment autorisées par elle.

4 - Il n'y a plus de collatéraux remis (cession, pension) en garantie. Il est bon de rappeler que les positions issues de la compensation concernent (celles visées au § 3 ci-dessus exclues) les seules transactions des agents non bancaires et que celles-ci relèvent de la responsabilité exclusive des banques de dépôt, comme il en est des actifs qu'elles possèdent.

Les résultats attendus sont les suivants :

- Il n'y a plus d'émissions massives de monnaie centrale, ce qui ne veut pas dire que les bilans des Banques centrales seront "dégonflés", les soldes indisponibles des banques les remplaçant.

- Les banques ne peuvent plus transférer leurs pertes réelles ou potentielles à leur Banque centrale puisque celle-ci ne prend plus de titres toxiques et souverains en garantie.

- Les responsabilités des unes et des autres sont resituées.

- Les banques commerciales ne peuvent plus disposer des fonds qui sont en compte indisponible, la spéculation étant ainsi contenue.

- L'Institut d'émission connait en temps réel les soldes - indisponible et courant - de chaque banque et se charge de vérifier continûment la valorisation des actifs de chaque banque , car ce sont les actifs qui sont la source principale des dépréciations et des pertes. C'est lui - le gendarme du système - qui décide si les pertes de la banque nécessitent une augmentation de son capital ou sa mise sous tutelle judiciaire.

- On devrait y voir plus clair, ce qui n'est pas un facteur encourageant pour la réforme !

19 décembre 2013

 

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